
En 1948, un véhicule conçu pour transporter quatre personnes et 50 kg de bagages fait son apparition sur le marché français, défiant les conventions automobiles de l’époque. La production dépasse finalement cinq millions d’exemplaires, malgré des débuts jugés hésitants par certains observateurs.
Des modèles aux caractéristiques techniques singulières se distinguent dans la gamme, avec des innovations telles que la suspension à grand débattement et un moteur bicylindre à plat. L’impact de cette voiture ne se limite pas à la sphère mécanique, s’étendant à la culture populaire et à la mémoire collective.
La Citroën 2CV, bien plus qu’une simple voiture populaire
La Citroën 2CV ne doit pas sa renommée à un simple exploit d’usine. Imaginée dans les bureaux d’études de Citroën, sous l’œil avisé de Michelin, elle vise d’abord un public bien précis : agriculteurs, familles modestes, tous ceux qui rêvent d’une voiture abordable et fiable. L’idée est limpide : permettre de transporter des œufs sur un chemin cabossé sans en briser un, tout en offrant robustesse et simplicité. Résultat : une mécanique sans fioritures, une carrosserie dépouillée, des matériaux choisis pour leur côté pratique, rien de superflu.
Entre 1948 et 1990, plus de 5,1 millions de 2CV sortent des usines, en France d’abord, puis au-delà des frontières. Ce chiffre, à lui seul, raconte le phénomène.
Sur les routes hexagonales, la 2CV devient rapidement l’emblème d’une société qui change. L’automobile accessible fait bouger les lignes, multiplie les déplacements, rapproche les villages, amplifie le mouvement des Trente Glorieuses. Son design minimaliste et sa suspension longue course déconcertent et séduisent à la fois. On la croise partout : sur les routes de vacances, devant les écoles, sur les marchés, des campagnes aux centres urbains.
La Deuche traverse ainsi toutes les générations. Les étudiants l’adoptent, les familles la chérissent, les artisans lui font confiance, les citadins la revendiquent. Nulle surprise si la 2CV a acquis ce statut de voiture mythique : elle incarne un trio rare, liberté, simplicité, ingéniosité. Sa philosophie, unique en son genre, a trouvé sa place dans l’histoire de la France et rayonne dans celle de l’automobile mondiale. Même aujourd’hui, elle continue d’étonner, d’inspirer, de rouler.
Quels événements ont façonné l’histoire de la 2CV ?
Revenir sur l’histoire de la 2CV, c’est inévitablement évoquer Pierre-Jules Boulanger, patron visionnaire de Citroën. Dès 1936, il lance le projet TPV (Toute Petite Voiture) : créer un véhicule minimaliste, solide, accessible à tous. Les premiers prototypes sillonnent discrètement le terrain de La Ferté-Vidame, soumis à des tests sans pitié. Mais la Seconde Guerre mondiale va tout bouleverser, forçant à remettre à plus tard la commercialisation prévue pour 1939.
Après la guerre, Citroën retrouve la lumière. Octobre 1948, Salon de l’Automobile de Paris, Grand Palais : la 2CV fait sensation. Le public découvre une voiture qui ne ressemble à aucune autre. Les réactions sont partagées, mais cette audace finit par s’imposer. Les commandes affluent ; la production démarre à Levallois, puis s’exporte à Mangualde, au Portugal.
Chacune des grandes étapes de la vie de la 2CV accompagne les bouleversements de l’industrie automobile européenne. Guerre, reconstruction, modernisation : la 2CV traverse toutes ces périodes. La ténacité de ses inventeurs, leur capacité à innover, font d’elle une icône qui colle à l’histoire du XXe siècle.
Design, innovations et anecdotes : ce qui rend la 2CV unique
La Citroën 2CV, c’est d’abord une silhouette qui ne laisse personne indifférent. Flaminio Bertoni en dessine les contours : lignes sans prétention, arches de roues marquées, capote en toile qui se replie comme un origami. Tout ici sert la fonctionnalité, mais avec ce grain de charme qui fait la différence. La logique du “moins, c’est mieux” guide chaque choix.
Côté technique, André Lefebvre supervise la conception : priorité à la solidité, à la légèreté, à l’économie. Sous le capot, un moteur bicylindre à plat de 375 à 602 cm³ selon les versions. Peu de chevaux, mais une fiabilité éprouvée, capable d’affronter chemins défoncés et années qui passent. Les ingénieurs Pierre Meyer et Alphonse Forceau signent une suspension à grand débattement qui absorbe tous les chocs. La promesse de transporter un panier d’œufs sur un champ bosselé sans en casser un seul n’a rien d’une légende urbaine.
Au fil des années, la 2CV se décline sous de multiples formes. Voici quelques versions marquantes qui jalonnent son parcours :
- La Fourgonnette, adoptée par des générations d’artisans et de commerçants.
- La Sahara, équipée de deux moteurs, véritable baroudeuse des pistes africaines.
- Les séries spéciales comme Charleston, Spot, Dolly, Cocorico ou France 3, dont certaines éditions limitées font rêver les collectionneurs.
Le décorateur Serge Gevin signe les plus jolies robes de la 2CV. Mais ce modèle, c’est aussi une somme d’histoires et de souvenirs : voiture des étudiants, complice d’aventures, muse d’artistes. Son mythe ne s’effrite pas.
L’héritage vivant de la 2CV dans la culture et chez les collectionneurs
La Citroën 2CV continue de rouler dans les esprits, bien après la fin de sa production. Les surnoms fusent : Deudeuche, petit canard, ugly duckling. Rares sont les modèles à avoir autant inspiré le cinéma, la littérature ou la bande dessinée. De Louis de Funès dans “Le Gendarme de Saint-Tropez” à “La Soupe aux choux”, sans oublier une apparition remarquée aux côtés de James Bond, elle s’invite partout, traversant les décennies sans prendre une ride.
Sur le marché de la voiture ancienne, la 2CV fait parfois tourner la tête aux enchères. Les versions Charleston ou Sahara atteignent des sommets. On assiste à une multiplication des clubs, associations, garages spécialisés et rassemblements, tous animés par la même passion pour ce patrimoine roulant. La toute dernière 2CV, une Charleston, a rejoint le Musée National de l’Automobile Collection Schlumpf, clin d’œil vibrant à une aventure industrielle hors du commun.
La 2CV, ce n’est pas seulement une affaire de nostalgie. On la compare souvent à la Renault 4, à la Volkswagen Coccinelle ou à la Fiat Panda : autant de modèles qui ont, eux aussi, marqué leur époque. Mais l’attachement qu’elle suscite va bien au-delà du simple souvenir. Chaque restauration, chaque rassemblement, chaque balade en 2CV célèbre une fidélité à l’esprit Citroën, à la simplicité et à la mécanique sans faille.
Aujourd’hui encore, il suffit d’entendre le son d’un bicylindre ou d’apercevoir une Deuche au coin d’une rue pour que le passé et le présent s’entremêlent. La 2CV n’a pas seulement traversé l’histoire : elle continue de la raconter, une balade à ciel ouvert après l’autre.